Parution : novembre 2023

128 pages au format 19 x 24 cm et au prix public de 25 €

Couverture quadrichromie sur papier couché, avec rabats

Beau livre en couleur sur papier 1/2 mat blanc

Essai dAlain-Gabriel Monot 

Photographies d’Aïcha Dupoy de Guitard

 

 

Soie du feu sur l’étoffe du ciel

    Une vie d’Émilienne Kerhoas 

EXTRAIT

Et quelle aventure ! Les premiers lecteurs, d’emblée conquis, sont sous le charme d’un art poétique qui s’enchante des instants fragiles et de leurs plus minces nuances, de ce qui résiste à être facilement attrapé. Car Émilienne Kerhoas cultive déjà, cultivera toujours, le goût de l’impalpable. Comme se répandent dans la plaine les eaux échappées du barrage effondré, les poèmes de ce premier recueil s’imposent immédiatement par la justesse de leur langue fervente. « La poésie, dit alors la jeune poète, est pour moi une respiration. J’écris pour arracher à un monde stagnant des images qui seront miennes. C’est là une conquête, une lutte, et j’aime posséder et redonner ensuite aux êtres et aux choses le battement de la liberté. J’aime être habitée ainsi et ne vis bien qu’avec cette présence mystérieuse que je saisis ou qui m’échappe… » Jehan Despert écrit : « Il semble qu’Émilienne Kerhoas ait voulu, dans l’élan de son enthousiasme, réunir en un bouquet toutes les impressions reçues depuis son enfance, et qu’elle ait souhaité fixer les instants privilégiés qui l’ont faite ce qu’elle est. Et cela nous conduit très loin, vers des confins mystérieux, des pays sans nom, des continents d’ombre et de lumière ; une lignée d’ancêtres celtes trouve en elle la voix — ou la plume — qui lui manquait pour exprimer son âme et en transmettre les vibrations. »

QUATRIÈME DE COUVERTURE

« La poésie est ma respiration » aimait répéter Émilienne Kerhoas, et elle ajoutait aussitôt : « c’est une question de survie ». Près d’un siècle après sa naissance, il manquait à cette personnalité splendide et singulière, mais discrète dans le paysage des lettres bretonnes, un ouvrage retraçant son parcours. Et mieux qu’une biographie académique — qui reste encore à écrire —, l’écrivain Alain-Gabriel Monot et la photographe Aïcha Dupoy de Guitard proposent ici un dialogue sur les hauts lieux de son itinérance. Ou plutôt, devrais-je dire, une fugue à trois voix, tant les poèmes d’Émilienne apportent à ce fécond dialogue, leur rythme et leur souffle, de telle sorte que l’œuvre nous soit restituée dans son altérité dynamique.

Cette « guetteuse tranquille », qui n’est pas sans rappeler Andrée Chedid, avait la passion de l’aventure humaine et de tout ce qui ouvre à l’Autre et aux rencontres. Elle avait choisi d’être à la « confluence » des visages, des couleurs et des routes. Sa vocation : se laisser traverser par la vie et nommer les fils intérieurs qui peuvent la transformer. Mais comment mettre de l’ordre dans ces multiples événements qui nous touchent, qu’ils soient heureux ou malheureux, qu’ils procurent de la joie ou de la douleur, qu’ils mènent à l’insouciance ou au doute ? Par la patience et « l’acceptation lucide de ce qui arrive » aurait-elle sans doute répondu. Par la capacité à davantage « relier les signes que nous font les êtres et les choses ». Ainsi, dans le grand livre de la Nature — au passage du bleu —, elle aura su relier le visible à l’invisible, là où les chemins sensibles aiment à se cacher.

Yvan Guillemot