Une femme d’allure gracile à la voix de tragédienne : Angèle Vannier vivait la poésie et subjuguait les spectateurs de ses récitals. La poétesse de Bazouge-la-Pérouse, née en 1917, il y a tout juste cent ans, mérite d’être considérée comme une voix marquante. Elle fut touchée très jeune par la souffrance, qu’elle sut transcender et enchanter, avec pour viatique « l’amour, la poésie » comme Paul Eluard, son maître et fervent admirateur. Bazouge était sa demeure qu’elle quitta pour Paris sans l’abandonner, et où elle revint vivre ses dernières années, de 1973 à sa mort en 1980. Jusqu’à huit ans, elle y vécut cachée – car enfant illégitime – élevée par sa grand-mère, sa tante et leur servante, sans homme, entourée de secrets. Ce sera matière à poèmes : « la nuit m’interroge/ il faut que je fasse réponse ». Sa vie s’assombrit lorsque, âgée de vingt ans, elle perd la vue. Les doutes, les peurs, cette manière singulière de percevoir le monde feront d’elle une poétesse qui sonde l’âme avec une acuité et une ferveur uniques. Exprimant tantôt l’intuition fulgurante, tantôt l’énigme la plus sombre, elle créait en laissant surgir les poèmes dans sa voix, les composant en « masse musicale et verbale » : une poésie dite avant d’être écrite, fondée sur le rythme et le souffle. Elle enregistra aussi de nombreux programmes radiophoniques, à une époque où se rencontraient volontiers poètes, comédiens, musiciens, metteurs en scène… Dire une beauté qu’on ne voit pas amène peut-être à créer des rapprochements inédits, des images neuves et puissantes, comme celles que les surréalistes souhaitaient : « Un oiseau invisible existe dans l’espace/ Et chaque battement de ses ailes enfante/ Un compagnon de vol dans un univers clôt. / Mon âme dort sous des paupières transparentes » ou « De ma vie je n’ai jamais vu plus beau visage que sa voix ». Elle composait ses poèmes pour inspirer l’amour et cultiver toujours cet élan : « ma création poétique est faite pour être aimée, pas pour la création en soi ».