« Soie du feu sur l’étoffe du ciel » – Une vie d’Émilienne Kerhoas

Et quelle aventure ! Les premiers lecteurs, d’emblée conquis, sont sous le charme d’un art poétique qui s’enchante des instants fragiles et de leurs plus minces nuances, de ce qui résiste à être facilement attrapé. Car Émilienne Kerhoas cultive déjà, cultivera toujours, le goût de l’impalpable.  « La poésie, dit alors la jeune poète, est pour moi une respiration. J’écris pour arracher à un monde stagnant des images qui seront miennes. C’est là une conquête, une lutte, et j’aime posséder et redonner ensuite aux êtres et aux choses le battement de la liberté. J’aime être habitée ainsi et ne vis bien qu’avec cette présence mystérieuse que je saisis ou qui m’échappe… »

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25,00

Catégorie :

128 pages au format 19 x 24 cm | Poids : 530 g

50 photos en quadrichromie

Beau livre sur papier couché demi-mat et couverture avec rabats

4e de couverture

« La poésie est ma respiration » aimait répéter Émilienne Kerhoas, et elle ajoutait aussitôt : « c’est une question de survie ». Près d’un siècle après sa naissance, il manquait à cette personnalité splendide et singulière, mais discrète dans le paysage des lettres bretonnes, un ouvrage retraçant son parcours. Et mieux qu’une biographie académique — qui reste encore à écrire —, l’écrivain Alain-Gabriel Monot et la photographe Aïcha Dupoy de Guitard proposent ici un dialogue sur les hauts lieux de son itinérance. Ou plutôt, devrais-je dire, une fugue à trois voix, tant les poèmes d’Émilienne apportent à ce fécond dialogue, leur rythme et leur souffle, de telle sorte que l’œuvre nous soit restituée dans son altérité dynamique.

Cette « guetteuse tranquille », qui n’est pas sans rappeler Andrée Chedid, avait la passion de l’aventure humaine et de tout ce qui ouvre à l’Autre et aux rencontres. Elle avait choisi d’être à la « confluence » des visages, des couleurs et des routes. Sa vocation : se laisser traverser par la vie et nommer les fils intérieurs qui peuvent la transformer. Mais comment mettre de l’ordre dans ces multiples événements qui nous touchent, qu’ils soient heureux ou malheureux, qu’ils procurent de la joie ou de la douleur, qu’ils mènent à l’insouciance ou au doute ? Par la patience et « l’acceptation lucide de ce qui arrive » aurait-elle sans doute répondu. Par la capacité à davantage « relier les signes que nous font les êtres et les choses ». Ainsi dans le grand livre de la Nature — au passage du bleu —, elle aura su relier le visible à l’invisible, là où les chemins sensibles aiment à se cacher.

Yvan Guillemot

Extraits

« Entre le silence des morts et celui des vivants je ne suis que légère rumeur de feuilles. »

*

… Écoutons Émilienne, comme en parfait écho : « Je suis née en Bretagne de parents bretons. Je ne l’ai guère quittée sinon pour quelques voyages trop brefs. Mes rapports les plus intenses et les plus amoureux ont été avec le vent, la mer, la terre de mon pays et ce feu qui brûlait en moi dans ma rencontre avec les éléments. Malgré mon ignorance des contes, de l’histoire de mon pays, j’en suis toute imprégnée. Les Monts d’Arrée, la côte du Pays Léonard, en particulier à Kerlouan, sont mes lieux sacrés. Vivre loin de la mer me serait insupportable. Si, pendant un long moment, je ne l’ai plus comme compagne, je vais mal. Je peux dire, comme Rainer Maria Rilke : ‘‘Quand mes pensées sont anxieuses, agitées, je vais au bord de la mer. La mer les étouffe et les envoie loin avec ses grands sons larges, les purifie par son bruit, et impose un rythme sur tout ce qui en moi est désorienté et confus.’’ »

*

Ô confluence heureuse

de la sève et du songe

où la brume s’emperle

des roses de l’été

où les tiges vivantes

emprisonnent un visage

dans la douceur des blés

où les fruits sur la table

ont le goût de ma vie

casanière et errante

aux liserés de ciel.